lundi 17 octobre 2011

Scintillation ( John Burnside )















Une usine chimique abandonnée, des bois empoisonnés, tout un secteur contaminé ... c'est  là que, loin de l'Extraville des riches et des puissants, vivent les habitants de l'Intraville : anciens ouvriers de l'usine en question, sans projets, sans espoirs, malades pour la plupart. C'est là que régulièrement disparaissent des jeunes garçons de ces familles sans que personne ne semble s'en soucier. C'est là que vit Léonard, 15 ans,  qui aime les filles et les livres et c'est peut-être ce qui le maintient en vie ... 






FASCINATION. Oui c'est bien le mot qui convient à ce que j'ai ressenti à la lecture de Scintillation ... un roman incroyable qui ne ressemble à aucun autre ! C'est dur, c'est noir, c'est terrible et pourtant en même temps c'est pur, lumineux, prenant ... inexplicable ! Je crois que la seule façon pour vous de saisir ce que j'essaie maladroitement de vous dire, c'est de le lire !!!  Mais attention, ce n' est pas une lecture anodine... il faut être prêt à s'embarquer  dans cet univers de désolation frappé au sceau du malheur et de la violence, prêt à affronter des scènes vraiment difficiles parfois, prêt à être constamment déconcerté, passant soudainement d'un point de vue très intellectualisé à  la réalité la plus crue, prêt à se perdre par moments dans des digressions où l'on n'est pas sûr de tout comprendre (ça a été mon cas), prêt à se laisser séduire par des descriptions où oui, de la laideur la plus absolue, nous voyons nous aussi surgir une forme de beauté inattendue. Prêt enfin et surtout à entrer dans un monde qui n'est pas clairement identifié, dans lequel aucune clé, aucune explication ne seront finalement données, où chacun verra et retiendra ce qu'il voudra. Dans Scintillation, il y a du rêve, du symbolisme, de la philosophie, des réflexions sur la religion, l'âme, la probité, le bien et le mal, le pouvoir... mais aussi de la psychologie, de la poésie, de la conscience écologique, de l'étude économique et sociale et plein d'autres choses encore. Alors surtout, ne ne vous méprenez pas, ne prenez pas peur : ce n'est pourtant ni compliqué ni ennuyeux, ça vous entraîne même irrésistiblement à la façon du thriller que c'est aussi mais en infiniment plus riche. Il faut simplement accepter de se laisser porter sans lutter, emporter par le récit et la beauté de l'écriture.  Et puis bien sûr, il y a Léonard, ado complexe et terriblement attachant, forcé de mûrir trop vite dans un monde impitoyable mais dont le coeur bat malgré tout encore pour le  sourire d'une fille ou les pages d'un roman ... et oui, comment ne pas aimer cet amoureux des livres ? Et comment l'oublier ?
Pour conclure, je dirai que Scintillation est un peu un OLNI (objet littéraire non identifié) dont la magnifique couverture donne déjà le ton, une expérience de lecture comme on n'en a pas si souvent, forte, marquante, dont l'écho va certainement résonner longtemps une fois la dernière page tournée ...

Extraits : 


" C'est une histoire qui possède une vie propre, pour autant que je puisse le constater. Une vérité propre aussi, mais pas une vérité que l'on puisse énoncer. Elle ne cesse de fluctuer, de glisser hors d'atteinte."


" C'est vraiment typique de la façon dont marche le monde : les gens qui adorent les livres, ou autre, n'ont pas les moyens de s'en acheter, pendant que les gens bourrés de fric font des études commerciales pour pouvoir gagner encore plus d'argent et maintenir les liseurs de livres dans l'impuissance."


"En ce moment, il y a un bibliothécaire fou du nom de John ... C'est vrai, moi j'adore les livres, mais John est un lecteur maladivement frénétique, ce qui signifie surtout qu'il est capable de se pointer au boulot le matin avec du jaune d'oeuf sur la cravate et les cheveux hirsutes, façon film de Godzilla, sans même s'en rendre compte." 


"C'est alors que j'ai découvert Marcel Proust.  C'était une belle édition, presque flambant neuve avec de belles couleurs, une super jaquette qui sentait encore l'imprimerie. Du bleu sur la couverture comme je ne sais quelle chanson française sur la mer." Des titres bizarres. Quand j'ai vu la rangée complète sur le rayon, j'ai failli me mettre à pleurer tellement c'était beau."


"A chaque inspiration, je fais entrer le monde dans mes poumons, chaque fois que j'avale, non seulement à manger et à boire, mais tout ce que ça contient, toutes les traces, les traînées, les pluies de suie, tous les filaments de cuivre, nickel, 2, 4, 5-T et je ne sais quoi encore."


" L'usine chimique est toujours belle, même quand elle fait peur ou qu'on remarque à quel point l'endroit est triste, quand tous les petits scintillements de ce qui existait avant -les bois, l'estuaire, les plages- transparaissent et qu'on se rend compte que ça devait être incroyable, autrefois."


" On devrait envoyer un peintre là-bas, vraiment, un artiste qui n'ait pas l'estomac trop délicat et qui ne se borne pas non plus à découper des requins en deux. Un peintre de guerre peut-être. Parce que, si ça ressemble à quelque chose, c'est bien à une zone de guerre. Enfin bon une zone de guerre, c'est beau aussi non, pour peu qu'on y regarde bien ?"


" Un tel calme qu'on dirait qu'il n'est jamais rien arrivé, ni là ni ailleurs, où que ce soit. Un tel calme qu'on dirait que nul n'a jamais existé et que le temps est sur le point de commencer. Ca a peut-être l'air idiot de parler de déférence, mais cet ensemble de bâtiments en ruine et de voies ferrées à l'abandon qui s'étend dans toutes les directions aussi loin que je puisse aller à pied, que ce soit le long de la côte ou vers l'intérieur des terres à travers bois broussailleux et champs d'ajoncs, ce terrain apparemment vague est l'unique église que nous ayons ... "


" Enfin bon, il y a des gens tout à fait respectables, philosophes et autres, qui pensent que le monde est une chose que l'on imagine, que ce n'est qu'une vaste illusion qu'on invente chemin faisant." 

Le billet qui m'a fait découvrir ce livre et donné furieusement envie de l'acheter est celui de Cuné, qu'elle en soit remerciée ! Lisez aussi ceux, tous positifs, d'Aifelle, d'Yv de Cryssilda ...

Dernier atout de Scintilation, il me permet d'ajout un titre au défi de Kathel...


... pour l'Ecosse. 


17 commentaires :

  1. ça y est j'ai lu ton avis et... je souligne, entoure, etc... il faut que je le lise !

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  2. Mais dans une certaine mesure, tu avais avais raison d'en avoir un peu peur car c'est malgré tout dur et un peu éprouvant !

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  3. Alleluia ! nous avons aimé le même livre !!! Fascination est le bon mot et en refermant le livre on se demande vraiment où on était. Le talent du Monsieur est grand. Il faudra que l'on discute de notre interprétation respective de la fin. Le Matricule des Anges a fait un dossier sur l'auteur ce mois-ci, très éclairant.

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  4. Psssst, qu'est-ce que ça donne envie! Je me demande si j'ai raison de remettre mon nez dans les blogs moi ;-(

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  5. Aifelle : oui, j'ai vu ça dans tes échanges avec je ne sais plus qui dans tes comms ...
    Ok pour en discuter en privé ! ;-)

    Anne : je ne sais pas si tu fais bien mais en tout cas, ça fait super plaisir !!! :-D

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  6. Quel superbe billet ! Tu parles de ce roman avec un tel souffle lyrique (oui, j'ose le mot !) que je ne manquerai pas d'y tenter une incursion (et plus, si affinités... mais tout me donne à penser qu'il y en aura).

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  7. Houlala ... merci Brize ! Si souffle lyrique il y a c'est parce que j'étais encore tout imprégnée du roman alors parce qu'il y a vraiment de ça aussi dans Scintillation !!!

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  8. Wahou! je l'ai lu en 24 heures chrono, dont manger et dormir, autant dire que je ne l'ai pas lâché, happée par cette histoire, cette richesse. je dois écrire mon billet (mais suis au boulot, donc...), je laisse décanter. Il m'a d'ailleurs fallu y revenir un peu pour comprendre et aimer pleinement, une fois terminé...

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  9. A lire ce que dit Aifelle et ta réponse, oui, la fin, c'est là que j'ai dû réfléchir pour comprendre...

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  10. Eh bien... je suis fascinée par ta fascination dont tu parles si bien, on n'a qu'un envie après avoir lu ton billet , c'est de se précipiter sur ce livre !!!
    bises

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  11. Keisha : ah toi aussi tu as succombé à l'étrangeté géniale de ce livre ? ;-)

    Catherine : je crois bien que pour toi, je suis vraiment une vile tentatrice !!! ;-))

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  12. Tu confirmes que s'il y a un roman de la rentrée à ne pas rater, c'est celui-ci et qu'il faut ab-so-lu-ment que je le lise.

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  13. J'ai eu la main plutôt heureuse jusqu'à maintenant avec les romans de la rentrée mais tu as raison , celui-ci est tellement à part qu'il ne faut pas le rater !

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  14. C'est effectivement tout ce que tu dis Scintillation : assez difficle à décrire parce très diffus et varié. mais une vraie belle expérience de lecture

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  15. Je crois qu'il a surpris puis séduit pas mal de monde déjà ...

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  16. Je veux à tout prix le lire celui-là !

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